À la fin de février, le Nigeria, pays le plus populeux d’Afrique, élira un nouveau président, son cinquième depuis la fin du régime militaire en 1999. Porté par de jeunes Nigérians qui souhaitent une société plus égalitaire, Peter Obi a-t-il des chances réelles de déloger les « vieux partis » ?
Comme ça, le Nigeria se cherche un nouveau président ?
En effet. Le président actuel, l’octogénaire Muhammadu Buhari, du Congrès des progressistes (APC), vient d’effectuer deux mandats consécutifs et ne peut se représenter. Un nouveau président sera donc élu lors du scrutin du 25 février 2023 dans ce pays, le plus populeux d’Afrique.
« Le poste de président est très important parce qu’il concentre les pouvoirs. Et chaque groupe ethnique du Nigeria souhaite un président qui soit l’un des leurs », explique Dele Babalola, spécialiste de la politique nigériane qui enseigne à l’Université Canterbury Christ Church, au Royaume-Uni. La crainte qu’une élection n’accentue les divisions ethniques, entraînant la chute de la jeune démocratie et le retour au pouvoir de l’armée, reste présente. « Personne n’a avantage à ce que la démocratie s’effondre au Nigeria », rappelle M. Babalola, notamment en raison de la crise migratoire qu’elle engendrerait.
Qui sont les principaux candidats ?
Il y en a près d’une vingtaine, mais nous n’en retiendrons ici que trois.
D’abord, il y a Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, qui a succédé à Buhari à la tête du parti APC. Ancien gouverneur de la province de Lagos, la plus populeuse du pays, il y est resté une figure influente même après la fin de son mandat en 2007.
Le principal parti de l’opposition, le Parti démocratique populaire (PDP), mise pour sa part sur Atiku Abubakar, 76 ans, ancien vice-président sous Olusegun Obasanjo jusqu’en 2007, et candidat défait à l’élection présidentielle de 2019.
Jusqu’ici, aucun de ces deux rivaux traditionnels ne semble se distinguer dans la course. Ce qui a permis à un troisième candidat de faire de plus en plus parler de lui : Peter Obi, 61 ans, homme d’affaires, ancien gouverneur de la province d’Anambra et nouveau chef du Parti travailliste.
Un jeune leader qui émerge à l’écart des « vieux partis »… Il me semble que c’est une histoire qu’on a déjà vue quelquefois ?
Eh oui. D’ailleurs, Peter Obi s’est fait qualifier d’« Emmanuel Macron » de la politique nigériane – le président français avait réussi à s’imposer en 2017 en créant un nouveau parti fédérateur qui a rassemblé la gauche et la droite. Peter Obi, lui, a d’abord été candidat comme gouverneur sous la bannière APC en 2003, puis colistier du candidat PDP aux présidentielles de 2019, pour finir par rejoindre cette année le Parti travailliste, une toute petite formation politique qui n’a même pas un seul représentant élu.
Alors, qu’est-ce que Peter Obi a-t-il à proposer à ses électeurs ?
La candidature de Peter Obi a commencé à émerger après les grandes manifestations d’octobre 2020 du mouvement #EndSARS. Les dizaines de milliers de manifestants, surtout des jeunes, réclamaient le démantèlement de l’escouade anticorruption (SARS, ou Special Anti-Robbery Squad), accusée de brutalité policière. « Et puis, le mouvement s’est mis à multiplier les demandes, notamment pour lutter contre la pauvreté et investir en éducation », dit M. Babalola. Les soldats appelés en renfort pour disperser les manifestants ont tiré sur la foule, faisant au moins 12 morts, selon Amnistie internationale.
Lutte contre la corruption, assainissement des finances publiques, meilleure représentation des femmes et des jeunes dans la fonction publique, investissements en éducation… Peter Obi plaide aussi pour la fin des subventions gouvernementales à l’industrie pétrolière pour rediriger cet argent vers les services publics. « Nous n’avons pas besoin de réinventer la roue, nous devons simplement apprendre de ce qui se fait de mieux ailleurs et de le mettre en pratique », a-t-il déclaré lors d’un débat télévisé au début de décembre.
Peter Obi attire donc l’attention d’une certaine frange de jeunes nigérians qui se mobilisent autour de sa candidature. Ces partisans se qualifient eux-mêmes d’« Obi-dient » et sont très actifs sur les réseaux sociaux.
Mais cette ferveur dans le monde virtuel se traduit-elle sur le terrain ?
C’est le point faible de la candidature de Peter Obi, souligne Dele Babalola. « La plupart de ces militants très visibles sur les réseaux sociaux ne vivent pas au Nigeria, dit-il. Ils font partie de la diaspora, ils vivent au Royaume-Uni, au Canada. Ils n’ont pas le droit de vote au Nigeria. »
Des partisans sans droit de vote, un parti sans représentation dans les instances politiques, des ressources financières plutôt limitées comparées à celles de ses adversaires… La partie est très loin d’être gagnée pour le candidat « outsider », observe Dele Babalola.
« Et il ne faut pas négliger le facteur ethnique et religieux », dit-il. Peter Obi est Igbo et chrétien, ce qui ne lui donne pas une base d’électeurs aussi grande que les deux autres candidats, qui sont musulmans et issus de groupes ethniques importants.
« L’ethnicité et la religion jouent un rôle important chez les électeurs, qu’ils soient jeunes ou vieux », rappelle Dele Babalola. La plupart d’entre eux voteront d’abord pour « l’un des leurs », avant d’évaluer le programme des candidats, peu importe leur influence en ligne. « N’oubliez pas que les vrais électeurs ne sont pas sur les réseaux sociaux… »
En savoir plus
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- 96 millions
- Nombre total d’électeurs inscrits pour le scrutin de février 2023
- 12 millions
- Nombre de nouveaux électeurs inscrits depuis 2019
Source : Commission électorale nationale indépendante du Nigeria (INEC)
Author: John Herrera
Last Updated: 1703223003
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